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Les versants sud et nord des Pyrénees, qui séparent l'Espagne et la France sont totalement dissemblables en terme de leur géographies naturelles et culturelles. Pics en granit au nord se trouvent dos à dos avec les canyons calcaires au sud. Cette œuvre, en cours de réalisation, fruit d'une résidence trans-frontalière organisée par Espacio Infoculture, met en marche l'étreinte entre deux paysages qui se rencontrent aux sommets, mais qui ne se touchent jamais aux pieds.

BRÈCHE | BRECHA
Quatre Mouvements
L'Inventaire des Jours

Ayant traversé les Pyrénées à plusieurs reprises, j'étais frappé par la différence entre les deux versants de cette chaîne de montagnes. Chaque versant délimite la frontière de son pays, chaque versant est imprégné du caractère du territoire qui s’étend à ses pieds.

Les différences s’expriment tout d’abord à travers la nature géographique des deux côtés - ceci se voit dans les dissimilitudes géologiques et topographiques entre le nord - granitique - et le sud - calcaire. Les Pyrénées sont nées de la collision entre les plaques tectoniques ibérique et européenne. Les différences s'expriment également en termes de climat, océanique au nord et méditerranéan au sud. On constate un degré d’ensoleillement moindre sur le versant français, une pluviométrie et des vents différents, des variations en termes de saisonnalité... Le côté espagnol semble subir un climat plus rude, avec des changements de températures plus extrêmes.

Le paysage culturel est le reflet des efforts humains pour dompter le milieu naturel, où agriculture, gestion des terres, exploitation des ressources, régime politique ont tous œuvré pour façonner la morphologie du lieu. La France, pays historiquement centralisé et régalien, a par exemple modulé le paysage naturel à travers la gestion des forêts. En Espagne, le besoin d’eau a créé un réseau de grands barrages dans les vallées de moyenne montagne.

La traversée des Pyrénées interpelle par la grande différence des deux versants. L’impression générale est que le côté espagnol est plus sauvage, indompté, voire grandiose, et le côté français est plus apprivoisé, intime, voire placide. Des impressions certes subjectives, mais ne peut-on pas percevoir dans la morphologie de ces montagnes l'écho du caractère humain des populations vivant de chaque côté ?

Début 2004, Espacio Infoculture - un projet de coopération transfrontalière animé par Cépière Formation à Toulouse et l'Association Multilatéral à Huesca - m'a offert une résidence afin de réaliser un travail artistique ayant comme objectif d'explorer et d'exposer la nature intime paysagère, l’esprit du lieu, des versants espagnols et français des Pyrénées. Les techniques de la photographie interactive seraient mises en œuvre comme vecteur d'expression.

Genèse du Projet

Le territoire d'étude choisi se situe dans les Pyrénées Centrales. Côté espagnol, il est centré sur le village de Torla et la vallée de l'Ara, dans la province d'Huesca en Aragon, et s'étendant sur le Parc National d'Ordesa et du Mont Perdu. Côté français, il est centré sur la ville de Cauterets et les vallées autour du Pont d'Espagne, dans les Hautes-Pyrénées, et s'étendant sur le Parc National des Pyrénées.

Les prises de vue ont été éffectuées sur une durée de quatre semaines, partagées entre deux séjours, le premier mi-juin, vers la fin du printemps, en plein fonte des neiges, le deuxième fin-juillet-début août, sous l'emprise de l'été.

J'ai pu réaliser un ensemble considérable de prises de vue, présentant une image parallèle approfondie des deux territoires. Au total, il s'agit de plus de 12 000 photographies, regroupées en 278 séries. Chaque série ou groupe de séries a été réalisé en fonction de la structure de l'œuvre et de sa mise en interactivité. Un groupe typique de séries est constitué pour élucider un lieu particulier ou un thème, à rattacher à son "jumeau" inévitable de l'autre côté des Pyrénées. Ainsi, au cours du travail, l'exploration de chaque lieu enclenchait la recherche de son pendant transfrontalier.

Il existe deux types de séries. La première consiste à photographier avec appareil statique, sur pied, pour suivre les variations inhérentes du lieu. Les fracas d'un torrent, les rythmes du vent, la lente progression des ombres et des nuages. La seconde consiste à photographier avec l'appareil en déplacement, afin de construire un collage dynamique du lieu. A l'intérieur de chaque scène, les changements peuvent être subtils ou radicaux.

L'œuvre, dans sa conception actuelle, est composée de quatre mouvements, reflétant des façons parallèles de percevoir le territoire étudié. Ils s'articulent autour de la Brèche de Roland, qui constitue le pivot où les deux versants se rencontrent - ce qui donne à l'œuvre son nom.

Deux types de travail sont actuellement en cours. Le premier est le recensement complet de toutes les prises de vue, à travers l'Inventaire des Jours. Ce travail sera mis en ligne graduellement, étayant une finesse d'analyse des lieux, rendue possible par la disponibilité d'une telle quantité de matériel.

En parallèle, les tableaux interactifs sont à l'œuvre. Ces tableaux fonctionneront via des interactions avec le spectateur, à travers la juxtaposition des paysages des deux côtés de la frontière au sein d'un collage dans un flux en perpétuelle mutation. Le premier de ces tableaux, "Quatre Angles", en cours de production, représente le périmètre territorial de l'œuvre...


Je remercie Espacio Infoculture - et tout particulièrement Véronique Humbert, Angélique Pinon, Joaquín Tejero, Lucas Silvestre - de m'avoir permis d'entreprendre ce travail, et pour leur infinie patience...

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